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Les problèmes d’impulsivité et de régulation émotionnelle dans le TDAH et le trouble de la personnalité borderline

L’impulsivité est une « tendance aux actes soudains et incoercibles, échappant au contrôle de la volonté et se déroulant quasi automatiquement et inéluctablement lorsqu’ils ont été commencés » (Bloch et al., 1999). Tandis que la régulation émotionnelle est « un processus nécessaire pour faire face à des niveaux émotionnels positifs et négatifs croissants, qui implique la capacité de diminuer, d’augmenter ou de maintenir le niveau d’activation émotionnelle » (Delaville & Pennequin, 2018). Une bonne régulation émotionnelle résulte à la mise en place de bonnes stratégies adaptatives afin de résoudre efficacement des demandes internes ou externes spécifiques (Delaville & Pennequin, 2018). Le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) et le trouble de la personnalité borderline (TPB) sont deux troubles psychiatriques qui partagent des caractéristiques communes d’impulsivité et de dysrégulation émotionnelle, qui conduit à une labilité émotionnelle. Il nous semble intéressant d’étudier ces deux caractéristiques afin de pouvoir mieux les discerner. Cela permettra alors d’améliorer la prise en charge de ces deux types de troubles psychiatriques, mais aussi leur diagnostic. Pour commencer, nous allons nous pencher sur le TPB, puis nous apporterons des connaissances sur le TDAH, afin de mieux comprendre distinctement ces deux troubles.

Les troubles de la personnalité sont relativement immuables tout au long de la vie. Ils retranscrivent le fonctionnement psychique des personnes. Jean Delay et Pierre Pichot (1967) déterminent que la personnalité est constituée d’aspects cognitifs, pulsionnels, volitionnels et affectifs. Nous pouvons dire que la personnalité est ce qui explique le comportement d’une personne et la manière d’interagir avec les autres, mais aussi avec lui-même, et qu’elle jouera un grand rôle dans son cheminement interne et dans son parcours de vie. Les troubles de la personnalité, caractérisés de « psychopathiques », que l’on peut retrouver dans la CIM 10 (dixième édition de la Classification Internationale des Maladies, publiée par l’Organisation Mondiale de la Santé, en 2000) ou le DSM V (cinquième édition du Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, publié en 2013 par l’Association Américaine de Psychiatrie) proviennent du travail de Kurt Schneider (1923, in Guelfi, 2007). Les caractéristiques propres à chacun de ces troubles de la personnalité sont sources de souffrance et de mal-être pour ceux qui les détiennent car elles sont des attitudes et comportements « statistiquement anormaux » (Guelfi, 2007). De nombreux auteurs ont travaillé sur le trouble de la personnalité borderline et se fut Stern qui utilisa le premier le terme « borderline », en 1938. Deutsch, Bergeret, Widlöcher, Grinker et Funderson sont d’autres auteurs qui étudièrent ce trouble. Le trouble de la personnalité borderline fait partie du cluster B du DSM V et se caractérise par l’émotivité et des comportements flamboyants et erratiques et par la théâtralité.  Plus précisément, ce qui définie le trouble de la personnalité borderline est :

  • Une impulsivité
  • Une instabilité affective
  • Une peur de l’abandon et des efforts importants mis en place pour l’éviter
  • Une angoisse constante de fond (réactivité marquée aux facteurs externes de stress)
  • Un sentiment d’ennui, de vide chronique
  • Des conduites à risque et comportements hétéro et auto-agressifs (Gunderson (1991 et 2009) les considère même comme pathognomoniques)
  • Des perturbations dans les relations interpersonnelles à cause de fluctuations extrêmes entre idéation et dévalorisation excessives (revirements brutaux, relations chaotiques, fluctuantes, réactivité sensible aux prises de distance imaginaires ou réelles)
  • Des mouvements psychiques fugaces, avec des renversements brutaux d’une perception extrême à l’autre
  • Des perturbations cognitives qui touchent l’image de soi (perçue comme vague, confuse, ambivalente)
  • Des épisodes psychotiques aigus qui peuvent survenir tant les mouvements psychiques peuvent se renverser brutalement (paranoïa, dépersonnalisation, déréalisation, etc.).

Il s’agit du trouble de la personnalité le plus fréquent en psychiatrie et un des plus graves : 50 % des patients hospitalisés et entre 11 et 15 % des patients suivis en ambulatoire, et dont le taux de suicide est vingt fois plus élevé qu’en population générale (Karaklic & Bungener, 2010). Pendant longtemps, les spécialistes ont été sceptiques quant à une évolution favorable, considérant que le trouble de la personnalité borderline faisait partie du spectre de la psychose. Une évolution vers la schizophrénie a été longuement étudiée et a fini par être démentie par Werble en 1970. Au contraire, il a même été démontré qu’une évolution positive est possible et que les thérapies sont de mieux en mieux adaptées à la prise en charge de ce trouble (Karaklic & Bungener, 2010). Les troubles comorbides au trouble de la personnalité borderline sont nombreux : trouble bipolaire, trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité, troubles de l’abus de substances psychoactives, trouble dépressif majeur (Perugi et al, 2013), troubles anxieux, troubles du comportement alimentaire… Et cela n’aide pas à poser un diagnostic. Karaklic et Bungener, en 2010, se sont demandé si le trouble de la personnalité borderline ne ferait pas partie du spectre de la dysthymie, soulignant l’importance de l’impact des affects dans cette pathologie. En effet, le trouble de la personnalité borderline est caractérisé par une dysrégulation affective ou labilité émotionnelle, elle-même générée par un fonctionnement psychique particulier : une angoisse forte et constante d’abandon, avec une forte ambivalence. Parmi tous les troubles comorbides les plus fréquents avec le trouble de la personnalité borderline, le TDAH partage deux caractéristiques communes pathognomoniques : l’impulsivité et la dysrégulation émotionnelle. En outre, 38 % des patients atteints d’un trouble de la personnalité borderline ont également un TDAH (O’Malley et al., 2016). Néanmoins, aucun auteur n’a étudié les différences cliniques entre ces deux troubles psychiatriques concernant l’impulsivité et la dysrégulation émotionnelle, alors que de plus en plus d’auteurs estiment qu’une approche dimensionnelle microscopique (symptôme par symptôme, caractéristique cognitive par caractéristique cognitive) de la personnalité permettrait de mieux comprendre et prendre en charge les personnes souffrant d’un trouble de la personnalité (Guelfi, 2002 ; Guelfi, 2013). De plus, comme le souligne Guelfi (2007), le trouble de la personnalité borderline mérite d’autant plus ce genre d’approche tant son étiopathogénie résulterait de l’enchevêtrement de facteurs génétiques, neurobiologiques, environnementaux et psychologiques. Une approche dimensionnelle microscopique permettrait alors de pouvoir mieux cerner les subtilités des caractéristiques de ce trouble.

Concernant le TDAH, il touche 5 à 7 % des enfants du monde entier (Moffitt et al, 2015). Plusieurs chercheurs ont démontré que peu d’enfants TDAH deviennent des adultes TDAH (Agnew-Blais et al., 2016 ; Caye et al., 2016 ; Moffitt et al., 2015), ou en tout cas, il peut y avoir des symptômes résiduels mais ils ne sont pas suffisants pour pouvoir poser un diagnostic de TDAH. Les adultes TDAH sont estimés à 3% de la population mondiale générale (Moffitt et al., 2015 ; Simon et al., 2009). Réciproquement, il n’est pas rare qu’un adulte ayant un TDAH n’ait pas été un enfant avec un TDAH (ibidem). Moffitt et al. (2015), ont démontré que 90 % des sujets adultes ayant un TDAH n’avait pas eu ce trouble durant leurs enfances. Néanmoins, il semblerait qu’une importante prévalence d’enfants TDAH (60%) manifesteraient un TPB à l’âge adulte (O’Malley et al., 2016). Pour le diagnostic du TDAH, nous parlons d’une triade de symptômes dans le TDAH : le déficit d’attention, l’hyperactivité et l’impulsivité. Chacun des symptômes est toujours présent, plus ou moins, chez un patient ayant un TDAH, que ce soit chez l’adulte ou chez l’enfant. Nous distinguons le trouble TDAH avec une dominante « inattention », où l’inattention est en premier plan. Il existe également le trouble avec une dominante « hyperactivité/impulsivité ». Enfin, nous différencions le trouble mixte qui associe inattention et hyperactivité/impulsivité. Ce dernier est le plus souvent rencontré chez les adultes. Il touche 56-62 % des patients TDAH adultes (Wilens et al., 2009). Ces trois types de TDAH prouvent que les composantes de ce trouble peuvent être présentes avec une intensité plus ou moins importante et traduisent une vaste diversité des possibilités cliniques.

Le modèle de Barkley (1997) ou modèle du déficit de l’inhibition de réponse expose que le TDAH pourrait être dû à un déficit primaire central de l’inhibition comportementale. Cette inhibition comportementale est composée de l’arrêt d’une réponse en cours, l’inhibition d’une réponse automatique et de la résistance aux interférences. Ce déficit toucherait plusieurs domaines : la mémoire de travail non verbale, la motivation, le niveau d’éveil, l’internalisation du langage, la capacité d’analyse et de synthèse (reconstitution) et l’autorégulation des affects. En 2013, Hart et al. ont pu démontrer qu’il existait bien des dysfonctionnements de l’inhibition motrice chez des sujets ayant un TDAH. Si l’on suit le modèle de Barkley (1997), on s’attendrait à ce que les sujets aient besoin de davantage de temps afin de répondre correctement. Or, malgré un temps supplémentaire imparti, les enfants TDAH font toujours plus d’erreurs que les enfants du groupe contrôle (Vera & Gaillac, 2016). Ce temps supplémentaire ne les aide pas davantage à mieux traiter les informations. Ainsi, Sonuga-Barke (2003) estime que c’est la situation d’attente qui est très mal vécue par les patients ayant un TDAH et que ce sentiment désagréable les pousse à être impulsifs, inattentifs et hyperactifs. En somme, ils préféreraient répondre le plus vite possible pour ne pas avoir à supporter l’attente (aversion pour le délai), au risque de ne pas répondre correctement car la qualité et la quantité des comportements centrés sur la tâche seront diminués. Aussi, ils mettent en place des stratégies afin d’avoir l’impression que le temps passe plus vite. Pour cela, ils vont chercher des stimulations non temporelles préexistantes dans l’environnement (exemple : regarder par la fenêtre), ou alors ils vont créer des stimulations non temporelles (exemples : gesticuler) ; et ces comportements peuvent être interprétés comme de l’hyperactivité ou de l’inattention. Sonuga-Barke pense également que le fait de punir les enfants qui adoptent de telles stratégies va créer une association supplémentaire négative à la situation d’attente et renforcer l’aversion au délai chez eux.

L’impulsivité est une « tendance aux actes soudains et incoercibles, échappant au contrôle de la volonté et se déroulant quasi automatiquement et inéluctablement lorsqu’ils ont été commencés » (Bloch et al., 1999). Le plus souvent, cette tendance explique les conduites à risque, l’inattention, l’aversion du délai, la recherche de sensation et la recherche de récompense immédiate (Porteret et al., 2016 ; Barnhart & Buelow, 2017), chez les personnes ayant un TDAH. Porteret et al. ont étudié, en 2016, l’expression de l’impulsivité chez des adultes présentant un TDAH. Ils ont observé que 66 % des participants avait un dysfonctionnement du contrôle des impulsions. Parmi ces 66%, 29,6 % avaient un trouble explosif intermittent, 23,4 % présentaient des achats compulsifs et 7,4 % un trouble de jeu pathologique.

La régulation émotionnelle est « un processus nécessaire pour faire face à des niveaux émotionnels positifs et négatifs croissants, qui implique la capacité de diminuer, d’augmenter ou de maintenir le niveau d’activation émotionnelle » (Delaville & Pennequin, 2018). Une bonne régulation émotionnelle résulte à la mise en place de bonnes stratégies adaptatives afin de résoudre efficacement des demandes internes ou externes spécifiques (Delaville & Pennequin, 2018). La dysrégulation émotionnelle est une difficulté que rencontrent bien souvent les patients atteints d’un TDAH (Vera & Gaillac, 2016). Cette difficulté peut être activée lors d’une situation générant une aversion au délai, que nous venons de voir. Leurs difficultés de régulation émotionnelle vont les conduire à éprouver des émotions adaptées mais plus intenses qu’elles devraient l’être par rapport à la situation vécue. Nous pouvons parler d’hyper-réactivité émotionnelle ou de labilité émotionnelle (Skirrow & Asherson, 2013). Ils peuvent monter plus rapidement en intensité émotionnelle et être plus facilement irritables, agressifs ou violents, que les personnes qui n’ont pas de dysrégulation émotionnelle.  Ces difficultés de régulation émotionnelle peuvent entraver la vie professionnelle, familiale, amoureuse et sociale des personnes ayant un TDAH (Shaw et al., 2014 ; Skirrow & Asherson, 2013). Plusieurs hypothèses concernant l’origine de cette dysrégulation émotionnelle existent ; toutes sont décrites dans l’article de Shaw et al. (2014) et dans celui de Posner et al. (2014). Premièrement, la dysrégulation émotionnelle pourrait provenir des déficits présents au niveau des fonctions exécutives. Ces déficits créeraient des perturbations de l’inhibition comportementale. Aussi, cette dysrégulation émotionnelle semblerait être le fruit de dysfonctionnements neurocognitifs au niveau de l’amygdale, le cortex orbitofrontal et le striatum ventral, produisant ainsi des difficultés de traitement de l’information lorsque l’individu est confronté à des stimuli émotionnels. Depuis peu, la dysrégulation émotionnelle fait débat quant à la place qu’elle doit prendre dans le diagnostic du TDAH (Shaw et al., 2014). Certains chercheurs estiment qu’elle doit être considérée comme un signe clinique pathognomonique du TDAH, au même titre que l’impulsivité, l’hyperactivité et l’attention (Barkley, 2010 ; Reimherr et al., 2010 ; Skirrow et al., 2009). D’autres pensent que le TDAH avec dysrégulation émotionnelle doit devenir un nouveau type de TDAH et doit ainsi être dissocié des autres. Enfin, d’autres équipes de recherche font l’hypothèse que la dysrégulation émotionnelle peut être la conséquence neurodéveloppementale des dysfonctionnements neurocognitifs liés au TDAH. Néanmoins, il est important de prendre en compte la dysrégulation émotionnelle lorsqu’elle est présente chez un patient atteint d’un TDAH, tant dans sa prise en charge que dans la pose d’un diagnostic car celle-ci peut résulter d’un trouble comorbide, comme un TPB. Skirrow et Asherson ont établi une étude en 2013 afin d’évaluer si la labilité émotionnelle connue chez les personnes ayant un TDAH était due au TDAH ou à un trouble comorbide. Ils sont arrivés aux conclusions que le TDAH lui-même provoquait cette dysrégulation émotionnelle, du fait de l’association de l’hyperactivité et de l’impulsivité, qui sont des composantes primaires de ce trouble. Cependant, Skirrow et Asherson (2013) mettent en avant que les troubles comorbides accompagnés d’hyper-réactivité émotionnelle ou labilité émotionnelle sont fréquents dans le TDAH (trouble de la personnalité borderline, troubles de l’humeur, trouble oppositionnel avec provocation, etc.), et peuvent rendre le diagnostic différentiel difficile. Autre comparaison avec le TPB, les personnes ayant un TPB présentent un déficit d’attention sélective, engendré par une vitesse de traitement rapide qui entraîne un comportement impulsif, tout comme les personnes atteintes d’un TDAH (Leblanc et al., 2017). En outre, pour les deux troubles, les émotions fortes et mal régulées auraient davantage tendance à générer des excès de colère et de l’anxiété (Purper-Ouakil et Franc, 2011 ; O’Malley et al., 2016).

Le TDAH

Qu’est-ce que le TDAH ? 

Le TDAH est un trouble qui touche plusieurs capacités : l’attention, la mémoire, la régulation émotionnelle mais aussi des comportements comme l’impulsivité. Nous allons les détailler. Pour connaître en détails les critères diagnostics du DSM V (APA, 2013) qui relèvent les symptômes composant le TDAH, je vous invite à vous rendre à l’annexe 2, page 66. 

L’attention

L’attention permet de repérer consciemment les stimuli qui nous entourent et de se concentrer sur eux à moment précis dans le temps. Deux systèmes permettent de faire fonctionner l’attention correctement : 

  • Le « Gestionnaire des Priorités de Déroulement » (GPD) : Ce système fonctionne grâce aux automatismes et ne repose sur aucun contrôle volontaire (exemple : mettre ses chaussettes peut se faire sur un mode automatique). 
  • Le « Système Attentionnel Superviseur » (SAS) : Ce système sollicite une prise de décision consciente et un contrôle volontaire. Il est activé lors de trois sortes de tâches : la planification de situations complexes, lorsqu’on se trouve dans des situations inhabituelles ou lorsqu’on doit prendre des risques importants. 

Dans le TDAH, c’est le SAS qui est dysfonctionnel car le GPD est suractivé et cela ne permet pas au SAS de s’activer lorsqu’il le faut. C’est pour cela que leurs proches peuvent leur reprocher souvent d’être « dans la lune » (Vera & Gaillac, 2016).  

Fuermaier et al., en 2015, et Tucha et al., en 2017, ont démontré par leurs études qu’il existait différentes difficultés selon le type d’attention (sélective, divisée ou soutenue). Willcutt et al., en 2005, ont quant à eux montré que la flexibilité mentale était également touchée. Voici les définitions de chacune de ces capacités : 

  • L’attention sélective (ou focalisée) est la capacité de se concentrer sur un stimulus précis, en inhibant les informations perçues qui n’ont rien à voir avec ce stimulus. Cette attention est tournée vers les situations nécessitant un choix (négliger un élément pour se centrer sur un autre).
  • L’attention partagée (ou divisée) est la capacité à traiter simultanément plusieurs stimuli en même temps. C’est grâce à cette attention que l’on peut résoudre un problème. Quand on a des difficultés à mettre en route cette attention, cela génère des problèmes d’écoute, par exemple, car les bruits de fond vous nous happer ou nous déranger et on ne pourra se concentrer sur la conversation. 
  • L’attention soutenue est l’attention qui permet de rester sur une même tâche pendant longtemps sans être distrait par les stimuli internes et/ou externes (exemple : réviser des cours). 
  • La flexibilité attentionnelle est la capacité de passer d’une tâche à une autre tâche, qui sera plus pertinente. Elle permet également de faire des va et vient entre plusieurs tâches. Si la flexibilité est défaillante, la personne peut avoir des difficultés à passer à une tâche plus pertinente et donc rester happé par une tâche moins pertinente et efficiente. 

Les capacités d’attention sont très sensibles à l’anxiété ou la distractibilité. De ce fait, l’anxiété ou la baisse du niveau de motivation accentuent les difficultés d’attention.

La mémoire

Il existe trois types de mémoire. La première est la mémoire immédiate qui perçoit et capte les informations de l’extérieur quel que soit le sens par lequel elles arrivent (son, vue, odorat, goût, toucher). Les informations sont brièvement stockées dans cette mémoire. Il s’agit d’un stockage très ancré dans le présent, dans l’immédiat. Ces informations vont ensuite être menées à la mémoire à court terme, que l’on appelle également la mémoire de travail. Dans cette forme de mémoire, les informations peuvent être effacées ou alors transférées car elle ne peut pas stocker une quantité illimitée d’informations. Elle doit donc faire un tri dans ces informations pour pouvoir en accueillir de nouvelles. Or, elle peut être submergée par des idées, émotions, pensées et donc être obligée de supprimer aléatoirement des informations. Aussi, pour fonctionner, cette mémoire fait des va et vient avec la mémoire à long terme qui est composée des souvenirs et expériences passées. Les personnes avec un TDAH ont de nombreuses difficultés attentionnelles qui font que le traitement de l’information fait défaut. Leur capacité à enregistrer de nouvelles informations de la mémoire immédiate vers la mémoire à court terme ou mémoire de travail est dysfonctionnelle car la mémoire immédiate est surchargée d’informations (difficultés de filtrage par l’attention sélective) et ne peut traiter correctement les nouvelles informations (Vera & Gaillac, 2016). En plus de ces difficultés, les sujets TDAH rencontrent des problèmes avec un autre type de mémoire : la mémoire prospective. Cette mémoire permet de se rappeler d’une chose à laquelle on doit penser au moment voulu. Par exemple : appeler le dentiste pour prendre rendez-vous aux horaires d’ouverture du secrétariat ou rappeler un ami après le travail. Comme conséquences, les personnes avec un TDAH présentent fréquemment des oublis et peuvent paraître peu fiables, ce qui entraîne un sentiment de frustration, de colère envers eux-mêmes ou alors de culpabilité.

Les fonctions exécutives 

Les fonctions exécutives sont « les processus cognitifs qui dirigent, orientent et synchronisent, à la manière d’un chef d’orchestre nos comportements. Elles sont étroitement liées au développement du cortex préfrontal » (Vera & Gaillac, 2016). Elles interviennent dans la prise de décision, la gestion de l’intention d’agir, la planification, la motivation, l’attention, la régulation émotionnelle interne et l’activation. Elles sont très touchées et dysfonctionnelles dans le TDAH. 

Le modèle de Barkley (1997) ou modèle du déficit de l’inhibition de réponse. A travers ce modèle, Barkley expose que le TDAH pourrait être dû à un déficit primaire central de l’inhibition comportementale. Cette inhibition comportementale est composée de l’arrêt d’une réponse en cours, l’inhibition d’une réponse automatique et de la résistance aux interférences. Ce déficit toucherait plusieurs domaines : la mémoire de travail non verbale, la motivation, le niveau d’éveil, l’internalisation du langage, la capacité d’analyse et de synthèse (reconstitution) et l’autorégulation des affects. En 2013, Hart et al. ont pu démontrer qu’il existait bien des dysfonctionnements de l’inhibition motrice chez des sujets ayant un TDAH.

Le modèle de Brown (2000) a démontré l’importance de l’étayage et des adaptations dans le TDAH. Il considère que le TDAH est dû à un déficit global et variable des fonctions exécutives. Pour lui, les niveaux de dysfonctionnements de l’étayage et des capacités d’adaptions vont expliquer l’expression et le retentissement du TDAH. Contrairement à Barkley, Brown pense qu’un déficit primaire de l’inhibition ne suffit pas à ce que le TDAH s’exprime car des capacités d’adaptations suffisantes peuvent faire en sorte que le TDAH ne retentisse pas. Cet étayage peut être amené par l’entourage ou être mis en place par des stratégies consciemment mises en place par le patient. Un changement dans la vie du sujet, qui peut demander davantage de mobilisations des fonctions exécutives, peut entraîner une décompensation (exemples : entrée au lycée, à l’université, arrivée d’un enfant…). 

L’impulsivité

Modèle de l’Aversion du Délai de Sonuga-Barke (2002)

Si l’on suit le modèle de Barkley (1997, expliqué plus haut), on s’attendrait à ce que les sujets aient besoin de davantage de temps afin de répondre correctement. Or, malgré un temps supplémentaire imparti, les enfants TDAH font toujours plus d’erreurs que les enfants du groupe contrôle (Vera & Gaillac, 2016). Ce temps supplémentaire ne les aide pas davantage à mieux traiter les informations. Ainsi, Sonuga-Barke estime que c’est la situation d’attente qui est très mal vécue par les patients ayant un TDAH et que ce sentiment désagréable les pousse à être impulsifs, inattentifs et hyperactifs. En somme, ils préféreraient répondre le plus vite possible pour ne pas avoir à supporter l’attente (aversion pour le délai), au risque de ne pas répondre correctement car la qualité et la quantité des comportements centrés sur la tâche seront diminués. Aussi, ils mettent en place des stratégies afin d’avoir l’impression que le temps passe plus vite. Pour cela, ils vont chercher des stimulations non temporelles préexistantes dans l’environnement (exemple : regarder par la fenêtre), ou alors ils vont créer des stimulations non temporelles (exemples : gesticuler) ; et ces comportements peuvent être interprétés comme de l’hyperactivité ou de l’inattention. Sonuga-Barke pense également que le fait de punir les enfants qui adoptent de telles stratégies va créer chez ces enfants une association supplémentaire négative à la situation d’attente et renforcer l’aversion au délai. 

L’impulsivité est une « tendance aux actes soudains et incoercibles, échappant au contrôle de la volonté et se déroulant quasi automatiquement et inéluctablement lorsqu’ils ont été commencés » (Bloch et al., 1999). Le plus souvent, cette tendance explique les conduites à risque, l’inattention, l’aversion du délai, la recherche de sensation et la recherche de récompense immédiate (Porteret et al., 2016 ; Barnhart & Buelow, 2017), chez les personnes ayant un TDAH. Porteret et al. ont étudié, en 2016, l’expression de l’impulsivité chez des adultes présentant un TDAH. Ils ont observé que 66 % des participants avait un dysfonctionnement du contrôle des impulsions. Parmi ces 66%, 29,6 % avaient un trouble explosif intermittent, 23,4 % présentaient des achats compulsifs et 7,4 % un trouble de jeu pathologique.

La dysrégulation émotionnelle 

La régulation émotionnelle est « un processus nécessaire pour faire face à des niveaux émotionnels positifs et négatifs croissants, qui implique la capacité de diminuer, d’augmenter ou de maintenir le niveau d’activation émotionnelle » (Delaville & Pennequin, 2018). Une bonne régulation émotionnelle résulte à la mise en place de bonnes stratégies adaptatives afin de résoudre efficacement des demandes internes ou externes spécifiques (Delaville & Pennequin, 2018). La dysrégulation émotionnelle est une difficulté que rencontrent bien souvent les patients atteints d’un TDAH (Vera & Gaillac, 2016). Cette difficulté peut être activée lors d’une situation générant une aversion au délai, que nous venons de voir. Leurs difficultés de régulation émotionnelle vont les conduire à éprouver des émotions adaptées mais plus intenses qu’elles devraient l’être par rapport à la situation vécue. Nous pouvons parler d’hyper-réactivité émotionnelle ou de labilité émotionnelle (Skirrow & Asherson, 2013). Ils peuvent monter plus rapidement en intensité émotionnelle et être plus facilement irritables, agressifs ou violents, que les personnes qui n’ont pas de dysrégulation émotionnelle.  Ces difficultés de régulation émotionnelle peuvent entraver la vie professionnelle, familiale, amoureuse et sociale des personnes ayant un TDAH (Shaw et al., 2014 ; Skirrow & Asherson, 2013). Plusieurs hypothèses concernant l’origine de cette dysrégulation émotionnelle existent ; toutes sont décrites dans l’article de Shaw et al. (2014) et dans celui de Posner et al. (2014). Ainsi, la dysrégulation émotionnelle pourrait provenir des déficits présents au niveau des fonctions exécutives. Ces déficits créeraient des perturbations de l’inhibition comportementale. Aussi, cette dysrégulation émotionnelle semblerait être le fruit de dysfonctionnements neurocognitifs au niveau de l’amygdale, le cortex orbitofrontal et le striatum ventral, produisant ainsi des difficultés de traitement de l’information lorsque l’individu est confronté à des stimuli émotionnels. Depuis peu, la dysrégulation émotionnelle fait débat quant à la place qu’elle doit prendre dans le diagnostic du TDAH (Shaw et al., 2014). Certains chercheurs estiment qu’elle doit être considérée comme un signe clinique pathognomonique du TDAH, au même titre que l’impulsivité, l’hyperactivité et l’attention (Barkley, 2010 ; Reimherr et al., 2010 ; Skirrow et al., 2009). D’autres pensent que le TDAH avec dysrégulation émotionnelle doit devenir un nouveau type de TDAH et doit ainsi être dissocié des autres. Enfin, d’autres équipes de recherche font l’hypothèse que la dysrégulation émotionnelle peut être la conséquence neurodéveloppementale des dysfonctionnements neurocognitifs liés au TDAH. Néanmoins, il est important de prendre en compte la dysrégulation émotionnelle lorsqu’elle est présente chez un patient atteint d’un TDAH, tant dans sa prise en charge que dans la pose d’un diagnostic car celle-ci peut résulter d’un trouble comorbide. Skirrow et Asherson ont établi une étude en 2013 afin d’évaluer si la labilité émotionnelle connue chez les personnes ayant un TDAH était due au TDAH ou à un trouble comorbide. Ils sont arrivés aux conclusions que le TDAH lui-même provoquait cette dysrégulation émotionnelle, du fait de l’association de l’hyperactivité et de l’impulsivité, qui sont des composantes primaires de ce trouble. Cependant, Skirrow et Asherson (2013) mettent en avant que les troubles comorbides accompagnés d’hyper-réactivité émotionnelle ou labilité émotionnelle sont fréquents dans le TDAH (trouble de la personnalité borderline, troubles de l’humeur, trouble oppositionnel avec provocation, etc.), et peuvent rendre le diagnostic différentiel difficile. 

Le diagnostic

Critères diagnostics 

Nous parlons d’une triade de symptômes dans le TDAH : le déficit d’attention, l’hyperactivité et l’impulsivité. Chacun des symptômes est toujours présent, plus ou moins, chez un patient ayant un TDAH, que ce soit chez l’adulte ou chez l’enfant. Nous distinguons le trouble TDAH avec une dominante « inattention », où l’inattention est en premier plan. Il existe également le trouble avec une dominante « hyperactivité/impulsivité ». Enfin, nous différencions le trouble mixte qui associe inattention et hyperactivité/impulsivité. Ce dernier est le plus souvent rencontré chez les adultes. Il touche 56-62 % des patients TDAH adultes (Wilens et al., 2009). Ces trois types de TDAH prouvent que les composantes de ce trouble peuvent être présentes avec une intensité plus ou moins importante et traduisent une vaste diversité des possibilités cliniques. Le DSM 5 (APA, 2013) reprend ces symptômes. Ils doivent être présents depuis au moins six mois, et entraîner des difficultés dans le fonctionnement social de l’individu.

Outils diagnostics 

L’utilisation d’outils diagnostics est envisageable mais très critiquée. En effet, il a été mis en avant qu’il est très difficile de mesurer une seule fonction exécutive étant donné qu’elles interagissent toutes entre elles (Vera & Gaillac, 2016). De ce fait, Barkley (1997) et Brown (2000) estime que seul l’entretien clinique et une observation écologique permettent d’évaluer objectivement et justement si un patient est atteint d’un TDAH. Néanmoins, l’entretien clinique et l’observation écologique peuvent être étayés par des évaluations neuropsychologiques complémentaires (WISC/WAIS, Conners, MMS, …) et des échelles spécifiques au TDAH (ADHD-IV Rating Scale, Vanderbilt ADHD Diagnostic Scale, WURS, ASRS, …) mais ils ne permettent pas à eux seuls de poser le diagnostic.

Les troubles comorbides

Selon Cumyn et al. (2009), Jacob et al. (2007), et Skirrow et Asherson (2013), entre 33 et 80 % des patients adultes ayant un TDAH ont au moins un autre troublé associé. Kooij et al., 2010 et Sobanski, 2006, estiment qu’entre 70 et 75 % des adultes ayant un TDAH présentent un trouble comorbide.

 Cumyn et al. (2009), Ito et al. (2017) et Magnin et Maurs (2017) ont répertorié les troubles associés retrouvés le plus fréquemment avec le TDAH : 

  • Les troubles du spectre autistique 
  • Les troubles de l’apprentissage (dyslexie, dysphasie, dyscalculie)
  • Les troubles du développement moteur 
  • Haut potentiel
  • Les troubles de l’humeur (dépression, bipolarité)
  • Les troubles anxieux (trouble d’anxiété généralisée, phobie sociale, stress post-traumatique, trouble obsessionnel-compulsif)
  • Les addictions (dont les abus de substances psychoactives)
  • Les troubles du comportement alimentaire 
  • Les troubles de la personnalité (borderline, narcissique, obsessionnel-compulsif)
  • Les troubles du sommeil

Il est important de diagnostiquer correctement ces patients afin d’adapter au mieux leurs prises en charge. 

Epidémiologie 

Le TDAH touche 5 à 7 % des enfants du monde entier (Moffitt et al, 2015). Plusieurs chercheurs ont démontré que peu d’enfants TDAH deviennent des adultes TDAH (Agnew-Blais et al., 2016 ; Caye et al., 2016 ; Moffitt et al., 2015), ou en tout cas, il peut y avoir des symptômes résiduels mais ils ne sont pas suffisants pour pouvoir poser un diagnostic de TDAH. Les adultes TDAH sont estimés à 3% de la population mondiale générale (Moffitt et al., 2015 ; Simon et al., 2009). Réciproquement, il n’est pas rare qu’un adulte ayant un TDAH n’ait pas été un enfant avec un TDAH (ibidem). Moffitt et al. (2015), ont démontré que 90 % des sujets adultes ayant un TDAH n’avait pas eu ce trouble durant leurs enfances. 

Etiologies

Une continuité entre l’enfance et l’âge adulte ? 

Le TDAH a longtemps été considéré comme un trouble neuro-développemental. C’est-à-dire qu’on pensait qu’il touchait uniquement les enfants et ne perdurait pas à l’âge adulte. D’ailleurs, à travers le DSM 5, on peut voir que cette pensée a été revue, car le DSM 5 présuppose que le TDAH est un trouble développemental qui apparaît pendant l’enfance et perdure à l’âge adulte (APA, 2013). Néanmoins, ce trouble peut apparaître à l’âge adulte et sans avoir été observé pendant l’enfance. Ainsi, son étiologie reste encore incertaine, mais il existe plusieurs hypothèses. En effet, les chercheurs se questionnent sur le développement du TDAH. Est-il propre au neurodéveloppement ? Si c’est bien le cas, cela expliquerait qu’il laisse des traces à l’âge adulte sous forme de symptômes. Or, il semblerait qu’une infime partie des enfants ayant eu un TDAH gardent un diagnostic de TDAH à l’âge adulte (Agnew-Blais et al., 2016 ; Caye et al., 2016 ; Moffitt et al., 2015) ; quelques symptômes peuvent persister mais ne sont pas suffisants pour poser le diagnostic. A l’inverse, une grande partie des adultes TDAH n’avaient pas de TDAH quand ils étaient enfants. Moffitt et al., en 2015, déterminent que 90 % des adultes ayant un TDAH n’en avaient pas lorsqu’ils étaient enfants. La deuxième hypothèse que se posent les chercheurs est donc un développement tardif du TDAH. Ainsi, il existerait deux syndromes : un syndrome neurodéveloppemental qui s’exprime durant l’enfance et un autre qui s’exprime pendant l’âge adulte. C’est en ce sens que le trouble TDAH adulte a été intégré au DSM 5 (APA, 2013). Cependant, le DSM 5 prend la position de dire que ce trouble n’est que la suite développementale du trouble TDAH enfant. Ce trouble toucherait 3% de la population générale mondiale (Moffitt et al., 2015). Agnew-Blais et al., en 2016, se sont également penché sur la question et ont émis trois hypothèses. Pour eux, il serait possible que les adultes TDAH aient eu les symptômes pendant leurs enfances mais que ceux-ci ne s’étaient pas exprimés à ce moment-là grâce à des facteurs protecteurs externes et internes comme un soutien familial important ou de très bonnes capacités intellectuelles. Ces facteurs protecteurs s’affaibliraient avec l’âge, la pression sociale augmentant et les milieux professionnels et scolaires devenant plus exigeants. Ensuite, ils estiment qu’il serait également possible que les symptômes du TDAH soient dus à un autre trouble. Ils ont estimé cela en remarquant que les personnes adultes ayant un TDAH avaient fréquemment ces troubles comorbides : hauts degrés d’anxiété, dépression, addiction à l’alcool ou à la marijuana, troubles obsessionnels-compulsifs, qui sont semblables au TDAH sous certains aspects. Enfin, ils ont imaginé une autre probabilité. Celle-ci consiste à prétendre que le TDAH adulte est totalement distinct du TDAH enfant. En outre, plusieurs résultats vont dans ce sens : le fait qu’à l’âge adulte, autant de femmes que d’hommes aient un TDAH, ce qui n’est pas le cas chez l’enfant (trois à quatre garçons pour une fille); et le fait que le trouble TDAH adulte serait moins lié à une héritabilité que le TDAH enfant. Morrow et al., en 2012, ont exposé une autre hypothèse. Ils pensent que le TDAH est sur-diagnostiqué chez l’enfant. Ils ont démontré que les enfants nés en décembres étaient davantage diagnostiqués TDAH contrairement à ceux nés en janvier et que cela pourrait être dû à une immaturité physiologique et non à un TDAH. Ainsi, il serait possible que les individus diagnostiqués comme ayant un TDAH durant l’enfance mais qui ne le sont plus à l’âge adulte n’avaient simplement jamais eu de TDAH quand ils étaient enfants. Finalement, de nombreux questionnements perdurent encore sur cette problématique et de nouvelles recherches doivent être conduites pour pouvoir y répondre. La différence de compréhension entre le développement du TDAH durant l’enfance et du TDAH adulte sont d’autant d’éléments qui pèsent dans la manière de prendre en charge les patients TDAH ; nous le verrons plus tard dans notre écrit. 

Pendant l’enfance

Thapar et Cooper, en 2016, ont exposé plusieurs causes au TDAH apparu pendant l’enfance : 

  • Des études sur des jumeaux ont démontré qu’un enfant né d’un parent TDAH avait 76% de probabilités de développer ce trouble
  • Une forte implication des neurotransmetteurs de la dopamine, de la sérotonine et de la noradrénaline 
  • Le stress, la consommation de tabac, d’alcool, de substances illicites, la prise de traitement médicamenteux, l’air pollué respiré par la mère pendant la grossesse
  • Un faible poids, une prématurité ou des déficits en zinc, magnésium ou acides gras polyinsaturés à la naissance 
  • Des parents fonctionnant sur un mode dur ou hostile et ayant des difficultés financières 

A l’âge adulte

Le score d’héritabilité est plus faible que pour les enfants, passant de 76% à 30-40 % (Boomsma et al, 2010, Van den Berg et al., 2006). Néanmoins, il semblerait que le risque génétique ne se retrouverait pas chez l’adulte (Moffitt et al., 2015). En outre, les chercheurs n’ont pas trouvé de déficit de matière grise dans les ganglions de la base, le cerebellum et le cortex préfrontal, contrairement à chez les enfants. Cependant, ils ont bien observé une baisse des masses de la substance grise, de la substance blanche et du liquide céphalo-rachidien (Frodl et Skokaustas, 2012 et Maier et al., 2015). L’environnement pendant l’enfance et/ou l’adolescence aurait également son rôle à jouer : la maltraitance ferait persévérer les troubles jusqu’à l’âge adulte ou les ferait apparaître plus tard. En outre, il semblerait qu’un faible QI et des difficultés socio-économiques aient un rôle crucial dans la sévérité du trouble (Biederman et al., 2011). 

Retentissements du TDAH sur le fonctionnement social et la qualité de vie

Définitions et liens entre fonctionnement social et qualité de vie

Le fonctionnement social « renvoie aux interactions et aux interinfluences entre les moyens et les aspirations d’une personne à assurer son bien-être, à réaliser ses activités de la vie quotidienne et ses rôles sociaux pour satisfaire ses besoins avec les attentes, les ressources, les opportunités et les obstacles de son environnement » (Boily & Bourque, 2011).

La qualité de vie est un concept qui permet d’établir une évaluation de la perception qu’a un individu de son propre état de santé et de bien-être (Compagnone et al., 2007). Seul l’individu peut évaluer sa propre qualité de vie car elle dépend de ses valeurs, de ce qui est important pour lui. Ainsi, la qualité de vie peut évoluer en fonction de la perception de l’individu sur son état de santé ou son handicap, mais aussi en fonction de sa maturité (Formarier, 2007).

Comme vu grâce aux définitions apportées ci-dessus, le fonctionnement social permet d’assurer le bien-être et la qualité de vie est synonyme de bien-être. Ce qui fait qu’ils ne vont pas l’un sans l’autre.

Où en sont les études actuelles ? 

Selon Biederman et Faraone (2006), Ebejer et al. (2012) et Küpper et al. (2014), l’impulsivité des adultes souffrant d’un TDAH ferait qu’ils se retrouveraient souvent à changer d’emploi, seraient impliqués dans des accidents de la route, qu’ils feraient plus de séjours en prison que la moyenne générale de la population, auraient des problèmes interpersonnels, davantage d’addictions, et rencontreraient un plus haut taux de divorces. Aussi, ils ajoutent que le fait d’avoir un TDAH provoquerait une plus grande probabilité à vivre précairement, des difficultés à réussir des examens académiques et à monter dans les échelons de leurs domaines professionnels et qu’ils connaissent également un isolement social (ibidem). Toutes ces caractéristiques font que ce trouble est associé à une altération psychosociale assez importante, tant sur le domaine privé que sur le domaine professionnel (Skirrow & Asherson, 2013). En outre, ils auraient plus de difficultés à être attentifs lorsqu’il s’agit de conduire une voiture, tenir une conversation ou encore travailler sur un ordinateur (Vera & Gaillac, 2016). 

Le TDAH affecte les capacités de planifier, d’organiser, de terminer une tâche ou un projet, de ne pas oublier des rendez-vous importants, entre autres (Barkley, 2008), et cela influence négativement la vie des patients (Miranda, Berenguer, Colomer & Rosello, 2014). En outre, la forte prévalence de troubles comorbides associés impacte également la vie des personnes atteintes d’un TDAH (Biederman et al., 2008 ; Miranda et al., 2014). Par exemple, l’association d’un trouble dépressif majeur et d’un TDAH conduit à des troubles de l’apprentissage, ou encore, une personne ayant un TDAH associé à un trouble du comportement a plus de probabilités de commettre des crimes (Miranda et al., 2014). Tous ces retentissements du fonctionnement social ont un impact sur la qualité de vie des personnes. Plus les retentissements sont importants et touchent de domaines (vie professionnelle, vie sociale, vie familiale, précarité, scolarité, vie amoureuse, etc.), moins la qualité de vie sera bonne. Les répercussions du TDAH seraient liées aux capacités d’adaptation du fonctionnement (Miranda et al., 2014). C’est-à-dire que moins le fonctionnement serait efficient, plus les retentissements sur la qualité de vie seraient importants. La qualité de vie et du fonctionnement pourraient être augmentées grâce à l’environnement, notamment grâce au soutien de la famille du patient (Lin et al., 2015). L’évaluation du fonctionnement social est donc essentielle pour établir la prise en charge et le pronostic des patients (Tarakçıoğlu et al., 2019) et influencer la qualité de vie et les retentissements du trouble.  

Prises en charge 

Pharmacologie 

Les traitements les plus souvent administrés à des patients ayant un TDAH sont les molécules psychostimulantes (méthylphénidate et amphétamines), qui sont les seules autorisées à être prescrites à des enfants. Ensuite, les médecins ont tendance à prescrire des médicaments non stimulants (atomoxétine). Puis, ils prescrivent, en dernière intention, le bupropion, le guanfacine, le modafinil ou des antidépresseurs tricycliques (Magnin & Maurs, 2017). 

Concernant le méthylphénidate

Dès le début des années 1970, l’hypothèse d’un déficit en noradrénaline, sérotonine, dopamine et adrénaline a été discuté pour le TDAH. Le méthylphénidate permettait d’augmenter toutes ces catécholamines. En 2003, Volkow a démontré que la prise de méthylphénidate permettait aux patients TDAH d’être plus assidus sur des tâches fastidieuses et ce grâce à une augmentation de la dopamine. Ainsi, par ricochet, on pensait que le TDAH était dû à la présence génétiquement déterminée d’un nombre trop élevé de transporteurs présynaptiques (DAT) qui consommaient trop de dopamine dans la synapse (jusqu’à 70 % de plus que chez les sujets témoins). Le méthylphénidate était alors considéré comme le traitement étiologique du TDAH car il bloquait la recapture de la dopamine au niveau des DAT et cela permettait d’avoir davantage de dopamine disponible. Or, cette vision a été démentie petit à petit. Cela a débuté en 1978, lorsque Judith Rapoport et son équipe ont démontré que le méthylphénidate avait les mêmes effets bénéfiques sur la concentration et l’agitation motrice d’enfants sains. Nora Volkow a repris ces travaux et a redémontré la même chose en 2003. Depuis 2007, plusieurs travaux (dont ceux de Nora Volkow) ont montré qu’il n’y avait aucune preuve qu’il y ait davantage de DAT chez les personnes ayant un TDAH. C’est finalement en 2013 que Wang a démontré l’effet dans le temps de la prise prolongée du méthylphénidate sur la densité des DAT. Son étude a prouvé que la densité des DAT, après un an de traitement par méthylphénidate, avait augmenté de 24 % au niveau du striatum. Ainsi, il a pu donner une explication sur la quantité de DAT supérieure chez les personnes ayant un TDAH. Ces résultats peuvent s’expliquer par le mécanisme de plasticité cérébrale : comme il y a davantage de dopamine dans la synapse, le cerveau crée davantage de DAT. Cette étude marque l’absence d’efficacité à long terme des traitements par méthylphénidate. Luis Vera et Véronique Gaillac (2016) estiment que la diversité des dysfonctionnements possible dans le TDAH ne permettra pas de découvrir un médicament qui répondra correctement à ce trouble complexe.  

Thérapies cognitives et comportementales 

Compte tenu de la complexité du TDAH (peut toucher différentes fonctions exécutives, l’anxiété peut y jouer un rôle, l’origine neurodéveloppementale n’est pas toujours présente, comorbidités, effets secondaires des médicaments…), une prise en charge psychothérapeutique est indispensable. Chaque personne étant différente, et existant un millier de psychothérapies, le patient peut avoir recours à la psychothérapie qui l’inspire le plus, lui parle le plus, mais l’avis d’un psychiatre averti et alerte, qui connaît très bien cliniquement son patient, est importante afin d’orienter le patient au mieux. En outre, une psychothérapie peut en compléter une autre, donc il peut être judicieux d’en faire plusieurs simultanément. De même, un traitement pharmacologique peut être étayé par une psychothérapie, et c’est souvent ce choix qui est fait, car des symptômes peuvent persister malgré ce type de traitement. En outre, certaines contre-indications peuvent exister et empêcher le patient de prendre des médicaments pour son TDAH. Lin et al. (2019) soutiennent que le traitement du TDAH devrait suivre une approche multimodale et multidisciplinaire, incluant la psychoéducation, la pharmacothérapie, les thérapies cognitives et comportementales (TCC) et le coaching. Aussi, ils avancent que le soutien des proches (famille, conjoint, amis) est essentiel. 

Actuellement, les TCC sont le plus souvent celles vers lesquelles les patients adultes ayant un TDAH se tournent. Et elles sont régulièrement étayées par un traitement pharmacologique à base de psychostimulants. En 2018, Lopez et al. ont démontré l’efficacité de la combinaison de ces deux psychothérapies, sur le TDAH mais aussi sur la dépression et l’anxiété associées au TDAH. Généralement, les programmes TCC durent entre huit à douze séances et peuvent être proposés en groupe ou en individuel. Ils paraissent tout à fait adaptés au TDAH car ils sont est très cadrés et limitent la dispersion des patients. Linderkamp et Lauth (2011), ainsi que Lopez et al. (2018) ont expliqué les différents objectifs des TCC : améliorer la régulation émotionnelle et l’estime de soi, apporter de nouvelles stratégies et comportements grâce à la psychoéducation et à l’enseignement de techniques afin de diminuer l’impact des symptômes du TDAH, pouvoir se distancer des pensées négatives et limiter les troubles associés (dépression, anxiété…). Les TCC sont d’autant plus bénéfiques aux patients adultes qu’ils sont métacognitivement plus aptes à connaître et repérer les difficultés qu’engendre le trouble sur leurs vies et donc à agir sur ces difficultés. Lin et al. (2019) énoncent dans leur article, les nombreuses études qui ont démontré l’efficacité des TCC dans la prise en charge des patients adultes ayant un TDAH. En outre, il a été démontré que les TCC avaient un impact sur le fonctionnement cérébral (Wang et al., 2016). Notamment, un impact positif sur les fonctions exécutives (d’autant plus sur l’organisation), une meilleure communication entre divers réseaux cérébraux (le fronto-pariétal et le cerebellum, par exemples) et un meilleur traitement de l’information. Les TCC permettraient également de corriger des conséquences liées à la prise de médicaments traitant le TDAH (Wang et al., 2016), comme une réduction de la matière grise dans certaines régions cérébrales.

Particularités cliniques

Magnin et Maurs, en 2017, ont démontré que le symptôme premier qui persistait à l’âge adulte était le déficit d’attention ; écartant ainsi les symptômes d’ordre plus comportemental tels que l’hyperactivité motrice et l’impulsivité.  Il semblerait que les patients TDAH intègrent avec l’âge les normes comportementales et arrivent mieux à se contrôler, surtout en groupe, grâce à des stratégies mises en place. Ainsi, les patients adultes avec un TDAH se plaignent davantage de dysfonctionnements cognitifs que d’hyperactivité ou d’impulsivité. 

Malgré les nombreuses difficultés que rencontrent les personnes souffrant d’un TDAH, ce trouble révèle avoir de bons côtés. Parmi ces bons côtés, nous pouvons relever la créativité et la recherche de nouveauté qui proviennent de leur forte capacité à être distraites et impulsive. Boot et al., en 2017, ont démontré que les personnes ayant un TDAH obtenaient davantage de brevets pour des innovations ou publiaient davantage de livres. Ils notent également que cette capacité à être créatif et à rechercher la nouveauté les poussait à trouver des solutions originales à des problèmes complexes. En outre, Sagvolden et al., en 2005, ont prouvé que les individus ayant un TDAH étaient plus à même de développer un comportement positif (enthousiasme et attitude décontractée). Toutes ces bonnes caractéristiques sont des ressources sur lesquelles le clinicien et le patient peuvent s’appuyer pour améliorer le bien-être du patient.